Sorti de nulle part

Ce matin en montant vers le centre-ville de Fréjus, à pied, je vois passer sur ma gauche un drôle de personnage à vélo, un vieux vélo de femme un peu rouillé avec des roues fines. L’homme aussi a l’aspect d’une vieille carcasse ridée, matifiée de trop de soleil, plutôt maigre et pas très grand, un petit homme léger habillé d’un vieux manteau couleur chamois dont les pans ouverts ballotent à chaque mouvement, un bonnet informe sur la tête.

Il déployait une belle énergie à monter cette côte vers l’école Turcan, au milieu des voitures ronflantes et des deux roues pétaradant, tous enfumant l’atmosphère. Il pédalait, sans aucun secours électrique ni de dérailleur au milieu de la chaussée à deux voies, indifférent aux machines qui s’agitaient autour de lui. Sur son guidon tournait allègrement un moulin à vent multicolore de petite taille, et sur le garde-boue arrière, fièrement arrimé au porte bagage minuscule, un petit ours en peluche d’une dizaine de centimètres  regardait vers l’arrière en toute tranquillité, heureux de se laisser transporter. Cette vision étonnante m’a fait sourire d’une douce joie, une bulle venue d’un autre monde.

Un vélo dans la ville
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Le livre « NEUF » vient d’être édité

« NEUF » retrace l’histoire d’une vie, celle du personnage central : René, ce vieux compagnon qui a force d’occuper mon esprit durant la rédaction de ses mémoires a fini par apparaître plus réel que certains personnages réels qui ont traversé ma vie comme un mirage.

René a vécu une longue vie, il fête aujourd’hui, ce 9 septembre 2016, son quatre-vingt-dixième anniversaire.

En solitaire ou en solitude, il a partagé avec d’autres ce qui fait le fondement de notre nature humaine, ce sentiment étrange de séparation qui nous pousse vers l’autre, vers les autres, en quête de rencontres d’amitié, d’amour, de proximité émotionnelle, artistique, d’intérêt intellectuel, philosophique ou scientifique, de pratique professionnelle,…

Des personnages miroirs vont venir éclairer cette recherche par leur propre vécu, reconstituant en partie le puzzle d’une vision de la vie plus élargie, plus nuancée, plus unifiée où les arcanes du Tarot auront leur mot à dire.

Vous pourrez lire un extrait de ce roman en suivant ce lien: Neuf

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Croisée des chemins

Dans le parc

Des formes inattendues apparaissent sous mes pieds lors d’une balade au parc. Elles demandent à être regardées car étranges, comme un signe, une histoire qui a envie de se raconter, les prémices d’un choix à venir sans doute. Le futur fait une incursion dans le présent, incognito. Peut-être.

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Graines du futur 17 – GF 17: Contemplation

En ce début d’après-midi, le ciel est ébloui de soleil. Une vapeur cotonneuse nimbe les nuages à peine colorés de gris-bleu pâle et noyés dans cette vapeur insolite. Je ne cesse de m’émerveiller de l’infinie créativité des éléments, dans les formes, les couleurs, les nuances, les textures, les mouvements, les assemblages de ce qui se donne à voir, à sentir.

Je me souviens de cet ermite minuscule dans un dessin chinois, si infime dans ce paysage de montagnes couvertes de cèdres et ponctuées de blocs et d’éminences rocheuses. Les nuages, les brouillards composent un paysage mouvant. La contemplation du solitaire peut s’éterniser et n’être jamais source d’ennui. Un oiseau traverse l’espace, l’équilibre rompu se rétablit aussitôt. Une pluie vient draper de flou les arbres, assombrir l’atmosphère, il est possible de ne plus reconnaître la vision précédente, pourtant il s’agit du même lieu.

Le sage sur la montagne

Si nous faisons bien attention, ce n’est pas tant notre regard qui change sur le monde mais notre capacité à voir les mutations aussi infimes soient-elle de ce même monde, son évolution parfois progressive, parfois instantanée. Changeant et immuable. Les contrastes accentuent d’un côté la sombritude, de l’autre la lumière, l’une n’allant pas sans l’autre, chacune nécessaire à l’autre. Ainsi, je n’existe que parce que tu existes, différents et pourtant si semblables au-delà des apparences.

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François CHENG, « Le dit de Tian-Yi »

Ce livre (Prix Femina 1998) rapporte les confidences du peintre Tian Yi faites à l’auteur en 1979. On plonge dans l’histoire de la Chine à travers le regard et la vie du conteur, de 1930 à 1966 environ. Est-ce un roman ? une autobiographie en filigrane ? une reconstruction d’un ensemble de souvenirs minuscules et collectifs ? L’écriture de François Cheng nous conduit au cœur du quotidien du peuple chinois, des êtres bousculés, malmenés autant par les émotions que par les guerres et les révolutions qui n’épargnent personne. Tous les contraires s’y opposent : le trivial et le poète, les idéaux nouveaux et la tradition, la famille et la solitude, la vastitude du territoire et la réclusion dans les camps de « rééducation », l’amour et la haine, l’espoir et le désir d’en finir,…

Profondeur des sentiments, questionnements, acuité des perceptions, courage, faiblesse : l’être est complexe et animé de forces contradictoires vers un chemin indéfini. L’écriture de François Cheng, bien que riche en images et situations, est d’un abord aisé, fluide, où sont exprimées et transmises avec précision les sensations visuelles, olfactives, sensuelles, émotionnelles. Une écriture parfois poétique mais surtout lucide et sans détour pour décrire l’univers sombre, cruel, implacable, dérisoire, violent et « sans issue » dans lequel évoluent Tian Yi et ses deux amis. L’amour et l’amitié constituent le fil ténu qui guide ces trois êtres et les fait s’accrocher à la vie.

Ils vont affronter la faim, la soif, le froid, la torture, les menaces et manipulations diverses, la solitude, le désespoir, la souffrance physique et morale, la trahison, la violence, la saleté, la mort, la pourriture, les abus de toutes sortes. Et pourtant, seront aussi présents la beauté, la douceur, la grâce, la délicatesse, l’engagement, l’inspiration du peintre  et celle du poète, les liens invisibles, la vision cosmique.

Tout au long des 450 pages, j’ai pu voir au travers du regard de l’auteur la Chine dans ses profondeurs et ses diversités, ses bouleversements et ses contradictions.

Et une fois encore, tout comme à la lecture d’un autre livre de François Cheng « Vide et Plein, le langage pictural chinois » je n’ai pas eu accès à l’essence de l’esprit qui anime la culture chinoise. Certains passages plus poétiques, plus mystiques me sont restés hermétiques. J’ai compris les mots mais pas la substance qu’il y a derrière les notions de « souffle », de « vide médian ». Je lis les mots, j’essaie d’imaginer ce que cela peut signifier mais au niveau du cortex frontal, je sens un mur, un obstacle à pénétrer cette cosmogonie, cette vision particulière du monde, des relations à la nature, de l’énergie vitale qui fonde la culture chinoise.

Je mesure ce que ma propre culture occidentale peut générer comme limites avec ses concepts basés sur le matérialisme, la logique cartésienne, la philosophie nourrie à la fois du monde grec et du judéo-christianisme. Aucune suprématie d’une culture sur une autre, mais à coup sûr, une sorte de complémentarité.

Tian Yi s’est rendu en France et a voulu s’inspirer de l’art pictural occidental, aussi bien celui des impressionnistes, que de Rubens, de Van Gogh, de Masaccio. Compléter sa pratique de l’art traditionnel chinois des techniques de l’art occidental. Et ainsi trouver sa voix dans sa propre expression picturale.

Est-ce que l’art, la poésie, ou bien les arts martiaux, le Qi Gong ou le Tai chi chuan pourraient être des clefs pour nous aider à nous ouvrir à cette perception particulière du monde et de la vie? La culture chinoise ne favorise pas plus la sagesse, l’humanité et l’équilibre que toute autre culture. Elle propose d’autres perspectives et des connaissances millénaires qui déjà nous séduisent comme l’acupuncture, la médecine, la diététique, les cinq éléments, la calligraphie, la spiritualité …

Quelques extraits : « Nous avons vécu envers et contre tout, nous vivrons, si la vie le permet. Nous sommes dépouillés de tout, une seule chose nous appartient encore, qu’aucune force extérieure, aucune répression tyrannique ne peut nous ôter : ce que tu appelles l’amour, ce que moi je nomme la sympathie, car cela vient de nous et ne dépend que de nous. Tu as vécu un terrible drame : la perte de deux êtres très chers. Les as-tu vraiment perdus ? Pour moi, les êtres qui ont été dignes de susciter un authentique amour et qui sont désormais vivifiés par lui ne disparaîtront pas, ne seront jamais absents. Tu dis que tu as perdu toute raison de vivre. Que dis-tu là ? Le survivant doit plus que tout autre vivre. Ta mère n’est plus. N’est-elle plus rien pour toi ? Tout ce qu’elle a subi, tout ce qu’elle a accompli avec tant de patience et d’affection, était-ce pour que tu ne vives plus ?… »

« Oui, l’idée de la mutation et de la transformation est essentielle dans la pensée chinoise… Rien de la vraie vie ne se perd et ce qui ne se perd pas débouche sur un futur aussi continu qu’inconnu. »

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Muriel BARBERY, « Une rose seule », ou l’indicible

Poetry (film coréen 2010), Dans une jardin qu’on dirait éternel (film japonais 2018), Les Délices de Tokyo (film japonais 2015) et hier, la lecture de « Une rose seule » de Muriel Barbery (une jeune femme se rend au Japon pour recevoir l’héritage de son père Japonais qu’elle n’a pas connu). Depuis quelques mois, et sans doute depuis toujours, mon attention s’est tournée vers l’Extrême Orient, notamment le Japon. Retournement du regard. Le temps s’alentit, l’esprit perd ses repères, le corps prend le relais et entre dans un flux de sensations, de perceptions subtiles, indéfinissables, indicibles.

La dureté, les blessures anciennes, profondes, inavouées, la mélancolie, le courage dans l’épreuve, sont le terreau d’une sensibilité contenue, d’un regard offert au monde où le béton de la ville de Kyoto côtoie les jardins dans lesquels s’harmonisent la roche et l’azalée, le sable fin ratissé et le ruisseau, l’érable et le mur. La beauté et le silence comme une caresse pour l’âme au coeur des tempêtes de la vie et de l’océan, la poésie de l’instant que les mots effleurent sans toutefois en traduire toute la profondeur, la densité, la révélation. Au moins essaient-ils! Ainsi, la grâce d’un geste qui verse le thé, l’élégance d’un habit de soie où se dessine un camélia, l’érable au centre d’un patio, une branche de cerisier en fleur sur un rouleau au mur, une fleur de pivoine ornant un vase noir élancé : raffinement, délicatesse, discrétion, mesure, beauté. Et à l’opposé, mais aussi en équilibre sur la ligne de manifestation de la réalité : la vulgarité, la cruauté, la douleur, la laideur, la distance.

L’émotion émerge de ce magma de vie dont chaque parcelle est en étroite intrication avec le tout. Le coeur déborde de larmes sans raison apparente, une chaleur diffuse imprègne peu à peu la poitrine, le corps se détend, la pensée dérive vers le vide. « Il n’y a que l’amour, dit Paul. L’amour et, ensuite, la mort. » « Le monde est comme un cerisier qu’on n’a pas regardé pendant trois jours. » « Quand l’enfant fut assez grand pour exprimer le désir de parcourir l’archipel, son père lui montre l’arbre aux feuilles flamboyantes d’automne, et lui dit : Toutes les mutations sont en lui, il est plus libre que moi; sois l’érable et voyage de tes métamorphoses.« 

Le pin parasol dépouillé – Décembre 2020
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GF 16 : L’invisible

Le vide, l’espace.

L’air, l’électricité, les ondes (radio, téléphone, wifi, télévision, toutes les ondes électromagnétiques), la lumière, les sons (dont les paroles et la musique), les vibrations…

Les pensées, les idées, les émotions, les sentiments, les souvenirs, le passé, le futur, l’intuition, l’inspiration, l’imaginaire…

La conscience !

L’au-delà ?

Ça fait beaucoup !

Lever de soleil le 26 décembre 2019

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GF 15 : Ressenti

Depuis toujours, l’émotionnel était ce qui me faisait me sentir vivante. Un électrochoc à répétition pour dynamiser mes neurones et mes cellules. J’en avais pris tellement l’habitude, cela depuis l’enfance par l’effet combiné d’une sensibilité nerveuse un peu plus réactive que la moyenne et d’une éducation réprimant et condamnant tout débordement émotif, que mon seul souci était de le « gérer » au mieux. Toute la gamme des émotions y passait avec une certaine intensité, de la joie à la colère, de la tristesse à la peur, de l’amour au rejet … Accompagnée de l’agitation mentale nécessaire pour tenter de juguler ces tsunamis de l’âme. C’est là où les mots auraient pu venir en aide, une verbalisation autorisée et claire pour identifier et discerner ce qui agite notre être : émotions ? Sentiments ? Sensibilité ? Sensations ? Empathie ? Projections ? Réactions ?

Et puis, les rencontres et les circonstances de la vie faisant leur oeuvre, j’entendis parler de « ressenti ». C’est quoi ce truc ? Comment identifier un ressenti ? Ça se respire ? Ça se pense ? C’est dans la tête, dans la poitrine, dans le ventre, dans les jambes ? Il me fallut du temps. Sûr, il y avait une fermeture, un blocage, une protection sans doute pour ne pas aller trop loin dans la conscience de ce qui fait mal. Que faire ? C’était comme passer du Rock à Mozart, du karaté au Qi gong, de l’expressionnisme à l’aquarelle, des couleurs vives aux nuances subtiles. Jusqu’à ce que je commence à écouter avec attention et bienveillance le message que chaque émotion tente de transmettre. Le message des émotions mais aussi les messages du corps, ceux qu’il me délivre de manière subtile, parfois insignifiante mais si révélatrice. Des picotements, des frémissements, des palpitations, des vagues de chaleur ou de froid, des douleurs passagères, des intuitions, des envies soudaines, une crispation ou au contraire une détente, … Le mental est hors circuit. Je découvre que ressentir est aussi naturel que respirer. Le ressenti ne ment pas, il dévoile ce à quoi j’aspire, qui je suis en profondeur du plus lumineux au plus sombre. Peu à peu, je renonce à me faire la guerre et m’apparaît cette évidence : « Telle en dedans, telle au dehors ».

Ciel d’octobre sur la méditerranée – 2020
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GF 14 : Faits de mots

Je suis dans la lecture du livre de Camille de Toledo, « Thésée, sa vie nouvelle », et cela suscite en moi cette image : Nous ne sommes pas faits que d’un agencement de cellules mais aussi de mots. De mots qui nous racontent notre histoire, réelle ou imaginée, des mots non-dits qui s’enferment dans nos mémoires partagées, des mots entendus qui ont dressé ces barricades nous séparant les uns des autres, et d’autres mots jetés dans des bouteilles à la mer. Pour qu’on se lise un jour et qu’on découvre qu’on est faits des mêmes manques, des mêmes désirs, des mêmes aspirations, de la même tendresse.

Thésée, sa vie nouvelle – Novembre 2020
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GF 13 : Improviser

Un des indices de notre peur de l’inconnu, est ce besoin viscéral que nous avons de créer des rituels, de mettre en place des habitudes, et cela pour nous rassurer, pour conjurer tout ce qui pourrait nous surprendre, nous déstabiliser, remettre en question nos certitudes. Improviser et s’amuser à faire autrement peut être une habitude salutaire.

Promenade matinale – 12 novembre 2020
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